Anthony D. Harris, JAMA. 2013;310(15):1571-1580
Porter systématiquement des gants et tabliers à l’entrée dans les chambres de réanimation. Idée intéressante ou farfelue ? L’équipe BUGG (Benefits of Universal Glove and Gown) a été créée pour établir un rationnel en partant de deux constats. Tout d’abord les précautions contact du CDC recommandent le port de gant et de tablier alors que les patients porteurs de BMR ne sont pas toujours identifiés. Ensuite, malgré de gros effort ces dernières années, l’observance de l’hygiène des mains reste faible.
Cette équipe a donc mené une étude randomisée en cluster avec un bras comportant 10 réanimations mettant en œuvre des précautions contact avec port de gant et de tablier systématique pour tous les patients et un second bras avec 10 réanimations ne mettant en place des précautions contact que pour les patients identifiés porteurs de BMR. Les acquisitions de SARM et d’ERV étaient les critères d’évaluation de l’étude.
Le port de gant et de tablier systématique n’avait pas d’impact sur l’acquisition des SARM+ERV considérés comme un indicateur composite. En revanche, lors de l’analyse des taux d’acquisition des microorganismes pris séparément, ces mesures réduisaient les SARM et pas les ERV. Ces différences de taux d’acquisition peuvent s’expliquer par les variations concernant : des modes de transmissions (environnement), l’impact des antibiotiques, la notion de sensibilité des tests avec des porteurs d’ERV non identifiés à l’admission, la notion d’endémicité des réanimations inclus dans le bras intervention. Bref, de nombreux biais potentiel, souvent présents dans ce genre d’étude qui ont néanmoins l’intérêt d’exister. Une autre observation intéressante : le port de gant et de tablier a provoqué une moindre visite des patients par les personnels (sans augmentation des évènements indésirables) ainsi qu’une observance accrue de l’hygiène des mains à la sortie de la chambre.
L’idée du port de gant et de tablier est intéressante…en théorie. Elle part du principe que si les personnels de soins portent des gants et un tablier en entrant dans la chambre d’un patient et qu’ils les jettent à la sortie, il ne peut y avoir de transmission croisée. En fait, tout est une question de contrainte. L’hygiène des mains est-elle plus contraignante que de porter des gants et des tabliers ?
Les gants ne constituent pas une protection 100% efficaces contre la transmission croisée par manuportage. Des contaminations sont possible en dehors de la chambre et au retrait des gants. Cela impose donc d’associer une bonne observance de l’hygiène des mains au retrait des gants. En France, les recommandations nationales de prévention de la transmission croisée reposent sur le principe que le port de gant est un frein à l’hygiène des mains. Les gants sont considérés comme une protection pour les soignants lors d’exposition à des liquides biologiques. Leur usage mal adapté peut lui-même accroitre le risque de transmission croisée.
Donc mieux vaut porter nos efforts sur l’observance et la qualité d’hygiène des mains en développant des méthodes les moins contraignantes possibles pour une meilleur acceptation.